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Seize ans, le coeur lourd

26 mai 50

J’étais donc dans ce temps-là une petite fille égoïste, jouant, étudiant. A sept ans, j’ai cassé ma jambe. Au début, mes parents ne voulaient pas croire qu’elle me faisait vraiment mal (seul mon arrière grand-mère m’avait crue), plus tard les rayons x l’ont confirmé et on l’a mise dans le plâtre pour six semaines. Depuis, je ne peux plus courir.

Je ne savais rien de la guerre, je ne comprenais pas bien de quoi les adultes parlaient entre eux, jusqu’à ce que je le ressente sur ma propre peau.

La troisième période de ma vie commence en mars 1944 quand la guerre est arrivée jusqu’à moi, et s’étend jusqu’à l’armistice de mai 1945.
Le 16e anniversaire, 12 juillet 1950, je l’ai passé derrière le tribunal, où nous guettions pour apercevoir mon père descendant du camion pour être inculpé. Un mois après il était libéré « erreur. » Une semaine après qu’il est revenu, maman s’est brûlée fortement.


19 Nov. 1950

Avant tout je dois renforcer ma volonté, c'est à dire réaliser ce que je décide. Il n'y a rien de plus horrible que de décider quelque chose, de ne pas le faire et ensuite de se mépriser. En plus, il faut que je commence à étudier très sérieusement. Je ne dois lire aucun livre amusant tant que je ne sais pas bien toutes mes matières. Ne pas dormir trop par paresse. Servir mon père en tout (lui préparer à manger), ranger l’appartement et faire tout pour que maman se sente mieux. Être gentille avec touq, regarder leur bon côté, parce que tous sont mieux que moi. Regarder le bon côté de chacun. Le plus important: accomplir tout ce que j’ai écrit.

Je viens de découvrir Les poètes du 19e siècle de Petöfi :

Que personne ne prenne facilement
la guitare dans tes mains !
Un travail énorme attend celui
qui la prendra. Ne le fais pas en vain !

Si tu ne sais faire autre chose
que chanter tes peines
et tes joies mets ta guitare de côté
le monde n’a pas besoin de toi.

Il y a des prophètes trompeurs affirmant:
on est déjà à la terre promise
on peut s’arrêter, on y est arrivé

Mensonge, immonde mensonge,
que de millions le prouvent
qui au soleil, affamés, assoiffés
et affligés vivotent.

Quand dans le panier d'abondance
tous pourront prendre de la même façon
quand le soleil brillera pour tous,
alors disons: arrêtons-nous! ici est le Canaan

Et jusqu'alors? il n'y a pas de tranquillité
il faut sans cesse lutter, créer, chanter.

Encore, Julie ne put écrire ce qui c'était passé avec eux.

Elle n’a rien écrit donc sur son père emmené au milieu de la nuit par la police secrète roumaine (elle avait 15 ans et demi.) Sa mère lui interdit de peur qu’on saisisse son journal comme on avait emporté tous les siens. Pendant six mois ils ne savaient même pas où il était (ni lui, ni ceux qui avaient travaillé avec lui.)

Elle n'a pas décrit la “disparition” de son père emmené par la Securitate (la police politique secrète), ni la mise au ban de toute la famille : ils sont devenus d’un jour à l’autre des pestiférés. On les a déménagés dans un logement minuscule sous les toits, on a interdit à Julie de continuer à travailler avec les pionniers, on lui prit aussi sa carte de membre de l’Union de la Jeunesse Ouvrière qu’elle avait jusqu’alors portée sur les seins.

Un des copains de son père qui ne les a pas évitées ni abandonnées, pour la consoler lui a apporté ce poème qui osait dire: “il y a encore beaucoup de méchants ici!”

Elle l'avait recopié dans son cahier de poésie en y ajoutant tout simplement là-bas:

Ça fait très mal !

Conversation avec le camarade Lénine, par Maïakovski

Nous avons habillé les démunies,

il y a plus d’acier, et de charbon,

c’est bien, n’est pas?!

Mais à côté, hélas, je dois vous rapporter

Il y a beaucoup d’ordures encore

et des paroles bêtes

Jusqu'à ce qu'on les vaincra, on s’épuisera.

Sans vous, beaucoup se sont égarés déjà.

Dans ce monde, même ici,

restent énormément de salauds encore

Il n’y a nombre assez grand à les compter,

ni assez de noms pour les nommer,

Combien il y a de fripouilles, de filous,

de koulaks, des sectaristes, d’ivrognes,

de lécheurs et de flatteurs,

D’orgueil leur poitrine gonflée

stylos, insignes

sur leurs poitrines

Bien sûr, on va en venir à bout,

Mais c’est très dur la lutte contre eux.

4 commentaires:

Brigetoun a dit…

petite Julie que je te plains, et que j'admire ta détermination adolescente. Une face un peu occultée de Maïakovsky

Brigetoun a dit…

petite Julie que je te plains, et que j'admire ta détermination adolescente. Une face un peu occultée de Maïakovsky

Brigetoun a dit…

petite Julie que je te plains, et que j'admire ta détermination adolescente. Une face un peu occultée de Maïakovsky

Anonyme a dit…

Pas facile de ne rien dire sur quelque chose qui tient tant à coeur ....

Le poeme "Conversation avec le camarade Lénine, par Maïakovski
" ... est toujours tellement d'acutalité .... :-(

Sophos