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Buts et défaults: 18 ans

20 septembre, 1952

Je suis en train de lire un livre sur la vie et l’œuvre d’Ostrovski.

Il disait: “pour être homme, il faut de la volonté, volonté et encore de la volonté”. Il a aussi écrit que pour s’éduquer soi-même il faut :

"Faire un examen rigoureux, clarifier tes défauts, ce qui te manque. Ensuite, prendre une fois pour toutes une résolution bolchevique après que tu te demandes : vais-je me pardonner ou non mes défauts ? Suis-je obligée de les porter ou puis-je les jeter? Il faut ensuite te fixer alors un but clair dans ta vie et l’étaler dans des étapes. Suivre ton chemin fermement, en intervenant au fur et à mesure du besoin, améliorer ton travail, ta vie.

Ne te laisse pas abattre par des humeurs passagères ! Ne surestime pas tes forces, mais ne les sous-estime pas non plus. Il faut avoir confiance en toi !

Dans tout travail, même le plus modeste, il faut que tu mettes le maximum d’effort, pour pouvoir le réaliser le mieux possible. Ne cède pas en cas d’insuccès, repars à l’attaque encore et encore. Il faut que tu sois tout le temps active, ne t’arrête pas seulement aux bonnes intentions."


Combien il a raison ! L’homme a du temps pour tout, mais pour réfléchir sur lui-même il n’en trouve pas. Jusqu’à maintenant j'ai suivi, j’ai fait et pensé surtout ce qu'on me disait.

Pour mes 18 ans, le temps est arrivé d’analyser comment je suis, de réfléchir profondément sur ma vie passée et future et de trouver un but que je puisse réaliser à 100%. Je finirai d’abord de lire ce livre, puis j’essaierai de réfléchir à ce que je veux vraiment.

J’avais 12 ans, quand j’ai demandé près du pont Szamos :
« Maman, dis-moi, quel est le but de la vie?
— Être heureux.
— Et qu’est-ce qu’il faut pour le bonheur?
— Tu peux le trouver en deux choses: dans ton Travail et dans l’Amour, dans les deux ensemble. »

Avant de devenir membre de l’Union de la Jeunesse, je pensais qu’on doit suivre ce qui est nouveau, ainsi tu t’élèves et ne restes pas moyen. Si tu ne luttes par pour ce qui est neuf, tu te noies dans la masse ou même tombes plus bas. Je lutterai donc pour la nouveauté. Le neuf gagne toujours, me disais-je alors !

Depuis lors, mes idées se sont beaucoup modifiées : le bonheur ne peut pas être un but, seulement une conséquence. Le bonheur pour moi, c’est quand je réussis à bien réaliser quelque chose, quand je vois le résultat de mon œuvre. Un homme égoïste ne peut être heureux. Le bonheur, c’est quand tu fais du bien à quelqu’un, tu réussis à lui procurer de la joie. Si le but de quelqu’un est de rester entre les “plus hautes sphères” ou “d’être connu”, jamais il ne le deviendra.

Le but de chacun doit être décidé par lui-même, et fixé avec soin.

Sans hésitations le but devrait être: “aider à construire le communisme”. Même si tu peux ajouter une seule brique utile, après ta mort tu peux être tranquille : tu n’auras pas vécu pour rien. Mais c’est si difficile de décider.

Je dois réfléchir sérieusement. Je ne dois pas me laisser influencer par des gens comme Alina, mais plutôt par ceux comme Édith et la femme médecin qui a été en Corée pour aider les blessés. La question est dorénavant, parce que le reste est déjà décidé, (si on aide les autres on est heureux aussi soi-même) comment moi, en partant de la situation où je suis actuellement, je pourrai atteindre ce but.

Pour cela je dois d’abord m’analyser et étudier ma situation, sans ménager mon amour propre, sans m’estimer ni trop ni trop peu. Ceci est extrêmement dur. Mais il le faut.

Quand j’étais petite, je m’estimais trop, maintenant pas assez. Où est la vérité ? Comment suis-je en réalité ? Quels sont mes qualités et défauts ? Quels sont mes désirs ?

Je peux répondre à cette dernière question plus facilement.

Je voudrais devenir écrivain. C’était mon ancien, très ancien désir et il est toujours actuel. Est-ce que c’est assez important d’être chimiste ? Aujourd’hui l’électro-physique, la construction, l’éducation sont plus importantes. On doit travailler dans un domaine qu’on aime. J’aime bien la chimie, mais j’aime beaucoup plus la littérature. Mais est-ce un métier ? Pour écrire il faut du talent, du savoir, de l’expérience, etc.

Il faut aider la construction du communisme en travaillant. La chimie est belle, donc cela ne vaut pas la peine de la laisser tomber. Quel est le but de la vie ? Pas pour l’individu, mais en général ?
Je vais donc continuer la Chimie.

Entre-temps, je pourrais aussi essayer l'écriture.
1) Lire les classiques, étudier la littérature et la langue hongroise.
2) Décrire mes souvenirs, ce que je vois et ce que je sens.
3) J’essaierai d’écrire de petits récits et je les ferai lire par les spécialistes.
Si je n’ai pas de talent, je n’écrirai plus . Le devoir de l’écrivain est de “montrer la route ”.

J’ai lu ces jours-ci les discours de Lénine sur la jeunesse, il dit que leur devoir est d’étudier. D’abord sur le communisme, puis sur tout savoir que l’homme a réussi à découvrir. Ne pas apprendre par cœur, mais comprendre. Je dois étudier l’idéologie, la chimie, les mathématiques, la physique, la culture et je dois, en même temps, travailler sérieusement, ne refuser aucune tâche qu’on me donne à l’usine, la réaliser avec sérieux, le mieux possible. Travailler avec abnégation dans l’usine où on m’envoie; et pas seulement quand on me le demande.

En même temps, étudier selon un plan et lire tous les jours en route vers la maison. Vaincre la fatigue et le sommeil. Tout essayer pour pouvoir continuer mes études universitaires, même seulement à distance et sans pouvoir assister aux cours. Apprendre sérieusement toutes les matières. Mais aussi la politique et la littérature.

Que faire au sujet des réunions ? Dans l'usine, la cellule tient beaucoup de réunions formelles, sans aucun résultat. (Il faudrait aussi que j’apprenne beaucoup sur l’usine et les gens). Que faire comme activité de l’union de jeunesse ? Il faudra discuter longuement avec mes collègues, les convaincre.

Il faut que je finisse le plan détaillé (de ma vie) jusqu'à la fin du mois, pour pouvoir le commencer au début du mois prochain.

Mais je n’ai pas encore étudié mes défauts, les voilà:


· Je ne sais pas me rapprocher des gens, je dis des vérités blessantes

· Je suis désordonnée, je ne m’occupe pas assez de mes affaires

· Je n’ai pas assez de volonté

· Je crois trop en moi, et d’autres fois trop peu

· Je suis trop insistante et d’autres fois pas assez

· Je marche courbée et je ne fais pas assez de sports

· Paresse : je n’aide pas assez maman

· Je n’aime pas encore la musique ni la peinture, je ne suis pas assez cultivée

· Je ne vis pas assez intensément

· Je ne donne pas assez d’importance aux détails

· Je suis démagogue, souvent je parle en slogans

· Je suis trop curieuse et trop naïve

· Je ne garde pas assez bien les secrets

· Je n’ai pas assez d’attention, de respect pour les autres

· Je suis égoïste surtout dans les petites choses sans grande importance

· Je suis quelquefois trop hautaine ; devant d’autres, trop humble

· Je m’enthousiasme rapidement mais pas durablement, je me désenchante souvent et alors je laisse tomber

· Souvent je me laisse entraîner par d’autres (sur des bons ou mauvais chemins), au lieu de décider moi-même

· L’opinion des autres compte trop pour moi

· Je réponds trop rapidement, en blessant les autres

· Je n’arrive pas à dire promptement des choses intelligentes, je réalise ce que j’aurais dû dire seulement plus tard

· Je ne suis pas encore assez indépendante.

· Je ne suis pas assez persévérante

· Je suis trop douillette, je me laisse trop abattre par la douleur ou la tristesse

· Je ne sais pas bien le roumain; je ne connais pas l’allemand, ni le français ou l’anglais...


[1] Haha, un écrivain écrit, que cela plaise ou non aux autres.

[2] Et avec cela on les obligeait à mentir.


Que j'étais naive à l'époque et ma tête plein des mots d'ordre tout faits! Et en même temps très lucide sur moi et mes possibilités et défaults. J'ai heureusement changé depuis mes dix-huit ans, mais pas tant que ça...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

naive ... peut-être ....
Mais quand on est jeune, on est plus "entier", et donc plus tranché ...
avec la vie qui passe, on est plus réfléchie ...

Mais ce qui est important, c'est que tu as toujours voulu donner, et faire. Pour les autres.
Et visiblement, cela n'a pas changer ;-)

Sophie